Cet article est paru initialement dans le numéro n°39 du bulletin de l’Amicale Calvel, en juin 2015
Par Hubert Chiron
Né en 1968 à Lavaur dans le Tarn, Didier prend très tôt le virus du pain. En effet, sur le chemin de l’école, il passait devant une boulangerie. Sa maman, remarquant l’intérêt marqué de son fils, demanda au boulanger de le lui montrer les rudiments du métier le mercredi. Ni une ni deux, Didier rentre en apprentissage à 16 ans, décroche haut la main son CAP de boulanger, puis il attaque dans la foulée celui de pâtissier.
Après deux années de pratique en tant qu’ouvrier dans le Sud-Ouest, il saisit l’opportunité de partir en Guadeloupe et travaille dans une boulangerie du Club Méditerranée. Après deux années et plusieurs missions en Inde et au Brésil, Didier juge qu’il lui manque des connaissances. Il décide de rentrer en France et de passer son Brevet de maîtrise à l’INBP. Excellent choix, qui lui permet d’apprécier les qualités du corps enseignant et notamment de Jean Claude Mislhange. Vers la fin de cette période, Gérard Brochoire l’informe qu’un grand moulin américain souhaite mettre au point une gamme de farines pour le marché naissant des pains artisanaux… Ce job, il le veut et il le décroche. Ainsi commence il y a tout juste vingt ans une success story de la boulange.
Renouveau du pain artisanal
Son arrivée aux USA coïncide avec le renouveau du pain artisanal outre-Atlantique. Didier a été très vite identifié comme un formateur talentueux, au point de se voir confier par la Bread Bakers Guild of America la fonction de coach de l’équipe américaine en compétition dans la Coupe du monde de la boulangerie pour les éditions 1999, 2002, 2005. Méticuleux dans le travail, créatif et bon meneur d’hommes, il conduit les USA sur la plus haute marche du podium et acquiert rapidement une aura largement méritée.
Ayant travaillé trois années au San Francisco Baking Institute, son nom est fréquemment associé à celui de Michel Suas. Le troisième laron du trio de formateurs français est Lionel Vatinet, aujourd’hui installé à son compte en Coraline du Nord. Ce marché des pains artisanaux, souvent d’origine européenne, génère de
nombreuses demandes de consultance. Didier adore ces challenges et sillonne infatigablement les États-Unis. Il intervient sur tous types de procédés de panification et de viennoiserie.
Présidences et missions
En 2005, l’un de ses clients lui fera une offre qui ne se refuse pas : Didier devient vice-président et actionnaire de la plus grande boulangerie de pains artisanaux du Mid Atlantic. Il y occupe toutes les fonctions de directeur de production, recrutant lui-même les employés de toutes nationalités.
Souhaitant ne pas abandonner ses missions sur le terrain, il fonde dans la foulée une société de consultance dont il est président et intervient notamment en Amérique Latine, animant ses prestations en espagnol. En fait, cette région du monde vit le même engouement pour les pains de qualité que les USA dans les années 1990, à un rythme toutefois plus mesuré.
El maestro del pan publie aussi
Résultante d’une amitié de plus de quinze ans avec un jeune meunier Colombien, Juan Manuel Martinez, Didier est aussi cofondateur en 2009 de El Club del Pan, communauté virtuelle de boulangers sud-américains qui souhaitent maîtriser la fabrication des pains de qualité artisanale. Ayant identifié le déficit de livres traitant de technologie boulangère, Didier refaçonne son fond d’articles techniques, intègre les spécificités de la région et publie le volumineux Pan, Sabor y Tradicion. Il est désormais pour les médias professionnels El maestro del pan, le maître du pain, mais cela n’entame en rien sa légendaire humilité.
Aujourd’hui dans la force de l’âge, Didier ne se ménage pas, avouant tout de même qu’il a la chance de bien dormir dans les avions. Côté loisirs, il pratique la course à pied et décompresse en pratiquant la randonnée dans les grands parcs américains.
Globe-trotter et ambassadeur de la boulangerie française
A la question «Quel conseil donnerais-tu à un jeune boulanger français ?», il répond sans hésiter que de très bonnes places sont à prendre, notamment aux États-Unis. Attention, si la nationalité française est un incontestable atout, elle ne donne pas de passe-droit: il faut vraiment relever ses manches, « oublier les 35 heures », parler l’espagnol, langue majoritaire dans les fournils, et faire sa place. Il y a en ce moment une pénurie de chefs boulangers sur ce secteur des pains premium et par conséquent les salaires sont plus que confortables.
Professeur de boulangerie, auteur de nombreux articles et de deux livres, élu Top ten US baker en 2010, consultant international très sollicité, Didier, formé dans un univers de boulangerie artisanale française a non seulement accompagné, mais aussi parfaitement maîtrisé le changement d‘échelle de production.
Globe-trotter, coupe pâte et thermomètre en mains, il adore voyager et s’immerger dans d’autres cultures boulangères. A l’écoute des autres et doté d’une grande simplicité, Didier Rosada fait aujourd’hui l’unanimité aux Amériques. Il est l’un des meilleurs ambassadeurs de la boulangerie française. Chapeau bas !
Sa carrière outre-Atlantique
1995 à 1996: Bay State Milling Co, Minnesota – Recherches sur les blés américains adaptés aux méthodes de panification artisanale.
1996 à 2001: National Baking Center, Minnesota – Conception des formations en panification.
2001: Minnesota – Consultant indépendant pour de grandes boulangeries américaines
2002 à 2005: San Francisco Baking Institute, Californie – Responsable des formations en boulangerie, co-rédaction du livre Advanced bread and pastry.
2005 à 2015: Uptown Bakers – Vice président, gestion de production et conception nouveaux produits.
Redbrick Consulting, président, consultant aux USA, en Amérique centrale, Amérique du sud, Caraïbes, Asie.